Pont de Normandie ou comment enjamber l’estuaire de la Seine entre le Havre et Honfleur

Posté le Samedi 13 novembre 2010dans Architecture, Contemporain, France, Pays, Pontpar Alexandre RosaImprimer

Des centaines de ponts enjambent la Seine. Si le plus connu est peut-être le Pont-Neuf, à Paris, le plus grand est sans conteste le Pont de Normandie, qui relie le Havre à Honfleur. Ce pont à haubans enjambe l’estuaire de la Seine sur plus de 2 kilomètres de longueur dont 856 mètres entre les deux pylônes. Et si son style vous rappelle quelque chose, c’est peut-être que son concepteur n’est autre que Michel Virlogeux, qui signera moins de 10 ans plus tard l’architecture du Viaduc de Millau, le pont le plus haut du monde.

Les études qui ont mené à la construction du Pont de Normandie ont débuté dès l’année 1987. Le chantier s’est ensuite poursuivi jusqu’à l’inauguration de l’ouvrage, le 22 janvier 1995.

En 1994, la portée principale du pont battait de plus de 250 mètres le précédent record du monde datant de 1993 et situé à Shanghai. Celui-ci sera finalement perdu 4 ans plus tard, en 1998, de seulement 34 mètres par le Pont de Tatara au Japon. Son record de longueur de pont à haubans fut à son tour perdu en 2003 avec les 2883 mètres du pont grec de Rion-Antirion, et si l’on considère la longueur de tablier suspendu par haubanage (2252 mètres), c’est le viaduc de Millau qui prit la relève avec 2444 mètres de longueur.

Le Pont de Normandie n’en reste pas moins un ouvrage exceptionnel construit selon les  méthodes les plus modernes aujourd’hui encore. Entre ses deux pylônes en béton de 214,77 mètres de haut, le tablier du pont accueille une autoroute de quatre voies pour les véhicules automobiles, deux pistes cyclables ainsi que deux voies pour les piétons. Il s’étale sur 23,60 mètres de largeur.

Sa partie centrale, longue de 624 mètres, est réalisée entièrement en métal. Elle se compose de 32 voussoirs de 19,65 mètres chacun. Chacun d’eux est relié à la tête mixte d’un des pylônes  par deux haubans fixés de part et d’autre du voussoir. Pour les mettre en place, il a d’abord fallu les pré-construire au sol avant de les acheminer à la verticale de leur position finale, sur le fleuve, à bord d’une barge. Ils furent ensuite treuillés à la bonne hauteur par une grue mobile installée à l’extrémité du pont en cours de construction (voir maquette ci-contre). A l’époque, le chantier ressemblait ainsi à deux plongeoirs géants s’allongeant l’un vers l’autre.

Il fallut utiliser 184 haubans pour maintenir tous ces voussoirs ensemble. Aussi appelés câbles de Freyssinet, ils sont composés de plusieurs torons d’acier : entre 31 et 53 en fonction des efforts qu’ils doivent subir. Tous sont protégés contre les agressions extérieures par une couche de cire et une gaine en polyéthylène. Ils sont assemblés en faisceaux et sont habillés d’un revêtement dont le profil est aérodynamique afin d’éviter que l’action du vent ne vienne déstabiliser la rigidité de l’ensemble. Sur toute la longueur du pont, leur longueur varie entre 95 et 460 mètres.

Ils relient ainsi le tablier du Pont de Normandie à ses deux pylônes en béton armé précontraint qui en soutiennent tout le poids. Ils pèsent eux-mêmes 20.000 tonnes chacun, dont 11.700 juste pour les armatures métalliques et 150 pour les câbles de précontrainte. Leur forme en Y inversé leur assure plus de stabilité.

En dehors de la partie centrale métallique du pont, qui enjambe la Seine à 59,12 mètres de  hauteur afin de permettre le passage des navires remontant le fleuve, le reste du tablier est entièrement fait de béton précontraint. 58 mètres de portée attenant à chacun des deux pylônes furent conçus de cette manière, à l’instar des deux viaducs d’accès située de part et d’autre de l’estuaire.

Il fallut donc 8 années pour que le chantier soit mené à bien. Il fut confié pour la partie béton au groupement d’entreprises "GIE Pont de Normandie" rassemblant Bouygues, Campenon-Bernard, Dumez, GTM, Spie, Quillery et Sogea, et pour la partie métal à Monberg et Thorsen.

L’investissement fut important, et à l’instar des autres grands ouvrages de ce type de par le monde, une traversée du pont est payante, sauf pour les deux-roues et les piétons dans le cas présent. Toutefois, le nombre impressionnant de 6,14 millions de véhicules traversèrent le Pont de Normandie en 2007 (soit plus que le Viaduc de Millau, qui enregistra "seulement" 4.532.485 véhicules la même année). Un chiffre qui augmente chaque année, au profit de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Havre qui en est concessionnaire jusqu’en 2026.

Il faut dire que les départements du Calvados et de l’Eure ont décidé d’alléger une partie de l’abonnement payé par leurs administrés en leur faisant bénéficier d’aides départementales, plafonnées à 304€. Pour les autres, une traversée revient toujours à 5€ par véhicule de classe 1.

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Article et photos par Alexandre Rosa