Les Aiguilles de Port-Coton à Belle-Île en Mer : le trésor de Claude Monet
Gravures rupestres d’Alta–des rennes de l’âge de pierre gravés le long des fjords
Storforsen – les plus grandes cataractes naturelles d’Europe traversent la Laponie
Cathédrale Luthérienne d’Helsinki – une icône allemande sur l’ancienne terre des tsars
Norske Opera – le renouveau de la banlieue d’Oslo en lignes obliques
Le Monastère d’Horezu, chef-d’œuvre de l’art Branconvan en Valachie
Le château de Dracula au cœur des Carpates : la citadelle de Poenari
Falaises de Moher – quand l’Irlande plonge de 214 mètres dans l’Atlantique
Château de Balmoral – la résidence écossaise de la Reine Victoria et du Prince Albert
Panthéon de Rome – le plus grand dôme de l’Antiquité, tombeau des grands Hommes
Bastion des Pêcheurs – un rempart « moderne » sur les hauteurs de Budapest
Statue de la Liberté de l’île des cygnes à Paris – une maquette signée Bartholdi
Bryggen – les demeures en bois colorées de la Ligue Hanséatique à Bergen
La Pointe du Raz – une proue de granite à l’extrême ouest de la France
Arènes de Lutèce : un amphithéâtre gallo-romain au cœur de la capitale
Chinagora – un complexe touristique sous forme de Cité Interdite fantôme à deux pas de Paris
De la Bavière à la Provence : des santons à la basilique de Fourvière pour sa crèche de Noël géante
Marché Médiéval de Noël à Provins – Rois Mages et troubadours animent banquet et bal d’époque
1,5 millions de visiteurs pour la Nuit Blanche parisienne édition 2009
Posté le Dimanche 04 octobre 2009dans Art, Nocturne, Paris, Special Eventpar Alexandre RosaImprimerLa Nuit Blanche, c’est chaque année à Paris entre le premier samedi et le premier dimanche du mois d’octobre. A cette occasion, des millions de visiteurs parcourent les rues de la capitale, le plus souvent à pied, à la découverte d’œuvres d’art modernes. Dit comme ça, on se demanderait presque pourquoi tous ces gens sont soudainement pris d’une passion pour l’art urbain, mais il faut savoir que la recette a fait ses preuves.
Les lieux mis à contribution pendant la Nuit Blanche changent chaque année. Typiquement, des musées ou des lieux institutionnels tels que parcs et bâtiments publics restent ouverts gratuitement une grande partie de la nuit et subissent des modifications visuelles, olfactives ou sonores l’espace de quelques heures. Des performances artistiques sont parfois organisées dans certains lieux.
Le principe général d’une telle manifestation existe depuis de nombreuses années, notamment dans les pays nordiques (la prochaine sera la Kulturnatten, le 9 octobre 2009 à Copenhague). Toutefois, dans sa forme actuelle, le concept est initié à Paris en 2002, et reproduit depuis dans de nombreuses villes. En 2003, Rome organise la Notte Bianca à la mi-septembre. En 2005, des initiatives similaires ont également lieu dans d’autres villes italiennes, comme Naples, Gènes, Turin, Reggio Calabria et Catanzaro. À Leeds se tient au même moment la Light Night’.
En 2004, Montréal organise la première Nuit Blanche en Amérique du Nord. Toronto suit en 2006. L’année suivante, Looptopia est organisée à Chicago en mai. En 2008, Lima héberge une Noche en Blanco à la mi-mai. Séoul met en place son premier festival culturel nocture, Seoul Open Night, en août. Quant à Santa Monica, elle organise son premier festival bisanuel du Glow le 19 juillet. En France, la ville de Metz organisa sa première nuit blanche en octobre de l’année dernière et réitère l’opération en 2009. Quant à la ville de Lyon, elle organise déjà sa propre Fête des Lumières le 8 décembre de chaque année.
L’évènement n’a donc pas le même nom dans chaque pays : il s’appelle Lejl Imdawwal (“Nuit éclairée”) en maltais, Virada Cultural en portugais, Taiteiden yö (“Nuit des arts”) en finnois et Kulturnatten (“Nuit de la culture”) en danois.
Dans les pays nordiques, la nuit blanche fait référence à la période où le crépuscule ne cesse jamais la nuit, de mi-mai jusqu’à mi-juillet. À Saint-Petersburg, le festival des nuits blanches présente pendant plusieurs mois des événements culturels, des carnavals de rue ainsi que la manifestation des Voiles Rouges, célèbre pour ses feux d’artifices.
Le budget de l’édition 2007 de la Nuit Blanche à Paris était de 1,65 millions d’euros. Pour l’édition 2009, qui s’est déroulée la nuit dernière, le 3 octobre, les directeurs artistiques désignés étaient Alexia Fabre, Frank Lamy. Conformément à la tendance initiée depuis quelques année, le choix a été fait de concentrer la mise en place des animations nocturnes dans des périmètres restreints.
Trois “parcours”, en fait des zones, étaient donc à visiter cette nuit : autour de Châtelet et du Marais, autour des Buttes Chaumont et dans le Quartier Latin. J’ai arpenté les rues de la capitale pour vous ramener le meilleur des œuvres éphémères dévoilées au public cette nuit. Malheureusement, étant donné l’éloignement des animations entre elles, leur nombre plus qu’important, le fait qu’elles ne duraient pas vraiment toutes jusqu’à la fin de la nuit, et l’affluence record qui engendrait parfois de longues queues pour apercevoir quelque chose, il n’était pas possible de tout voir.
On commence notre parcours de plusieurs heures au Jardin du Luxembourg. Plusieurs artistes invités par la Mairie de Paris y avaient mis en place des installations lumineuses et sonores, mais la plus impressionnante, ou la plus visible, est sans conteste celle de Michel de Broin. Cet artiste canadien né en 1970 est parti du constat que dans les villes, il était impossible de contempler un ciel étoilé! La luminosité des centres urbains occulte l’éclat des étoiles et rend invisible le spectacle de la voûte céleste, source immémoriale de connaissance, de repères et de rêve. Il est donc venu suspendre au dessus du Jardin du Luxembourg une phénoménale boule à facettes. Cet astre géant, placé sous les feux d’une batterie de projecteurs DCA, a produit une pluie de scintillements qui ont illuminé les immeubles alentour.
Dans tout Paris, certaines boutiques partenaires de la Nuit Blanche 2009 avaient redécoré leur vitrine pour les passants. Certains Monop’ étaient par exemple de la partie, comme celui du boulevard Saint-Michel qui présentait ici une œuvre vidéo projetée de l’intérieur.
Arrivé sur la place de l’Hôtel de Ville, on ne peut ici que remarquer le film projeté en géant sur la façade du QG de la Mairie de Paris. Ici, Kimsooja, une artiste coréenne née en 1957 et résidant à New-York depuis 1999 présentait sa nouvelle vidéo réalisée pour Nuit Blanche. Elle reprend “Needle woman” est une femme, l’artiste en l’occurrence, qui se tient de dos, immobile dans la foule et imperturbable malgré le chaos de la ville.
Pour Nuit Blanche, Kimsooja a donc produit sur ce mode un nouveau film tourné dans différents quartiers de Paris, de Barbès, en passant par la rue Montorgueil ou encore les Champs Elysées, autant d’endroits qui représentent pour l’artiste la diversité des populations et des aspects de la ville.
Pour Nuit Blanche 2009, Sylvie Fleury a quant à elle investit la cathédrale Notre-Dame de Paris avec “Cristaux”, une œuvre présentée pour la première fois à Grenoble en 2001. Très largement reformulée pour le cadre majestueux de l’immense cathédrale gothique, l’œuvre proposait un nouvel itinéraire à travers ce haut lieu de la spiritualité chrétienne. Disposés à travers l’édifice, ces cristaux lumineux sont venus évoquer entre autres un chemin de croix, l’illumination de la foi ou le chatoiement coloré de vitraux.
Conçus en plexiglas entourant des tubes néons colorés, ces cristaux ont attiré énormément de monde au sein de la cathédrale. Mais pas sûr que tout le monde ait saisi la subtilité du message de l’auteur, la plupart profitant de l’occasion pour entrer dans un édifice célèbre devant lequel ils passent régulièrement mais qu’ils laissent habituellement aux touristes le plaisir de visiter. C’est aussi l’intérêt de la Nuit Blanche : découvrir des lieux connus ou non, dans lesquels on n’aurait pas eu l’idée de pénétrer autrement.
Entre l’île de la cité et l’île St-Louis, juste derrière la cathédrale Notre-Dame, un des partenaires de Nuit Blanche avait lui aussi créé son œuvre visuelle. Samsung illuminait le pont St-Louis avec L.E.D. une installation architecturale lumineuse basée sur le système de construction modulaire “Kubik” des designers allemands Balestra Berlin, en collaboration avec We Love Art.
Ce dispositif fonctionne dans l’espace urbain comme une combinaison de signaux visuels, émis par les pixelcubes qui la composent. Ces appels invitaient à la découverte sensitive du L.E.D. et de son application à la télévision HD grâce à l’immersion dans le voyage chromatique en vidéo HD diffusé en son cœur.
De retour vers la place du Châtelet, je suis entré dans le Théâtre de la Ville, qui diffusait un film baptisé Hysteria de Doug Aitken, un artiste californien né en 1968. La vidéo compilait des séquences d’archives de scènes d’hystérie collective provoquées par des concerts de rock des années 60 à nos jours. Les images noir et blanc puis couleurs s’enchaînent ralenties et recadrées tandis que résonnent cris stridents et hurlements. La caméra reste exclusivement braquée sur le public et l’identité des musiciens demeure toujours mystérieuse, nous laissant face au spectacle d’une foule en transe, expression collective extrême et terrifiante.
Sentant l’ambiance se réchauffer dans le centre-ville, l’alcool et la foule aidant, j’ai décidé de rejoindre les Buttes Chaumont, où les installations ne fermaient pas leurs portes avant 7h du matin. Il est déjà exceptionnel de pouvoir entrer dans des jardins municipaux de nuit, et j’avoue que j’appréhendais d’y trouver des allées plongées dans l’obscurité la plus totale, d’autant plus qu’aucun panneau n’indique le chemin à suivre une fois dans les jardins, à priori déserts.
Heureusement, une fois la zone des animations atteinte, bien par hasard je dois le dire, j’ai retrouvé la foule attendue. Ici, les groupes présents étaient plus calmes que dans le centre, et profitaient simplement de l’ambiance entre amis. Un seul reproche : la nuit touchant à sa fin et personne n’ayant vraiment prévu le coup, absolument tout le monde mourrait de faim, moi y compris. Dommage que les vendeurs ambulants normalement habitués à ces évènements n’aient pas profité de l’occasion, car ils auraient fait un tabac.
Placée sur les pentes herbeuses descendant jusqu’au cours d’eau traverser le parc, la première œuvre est signée Rune Guneriussen, un artiste norvégien né en 1977 et formé en Grande-Bretagne au Surrey Institute of Art & Design. Pour sa première présentation en France, il a planté un bouquet de lampes de bureau sur la pelouse. Chinées par l’artiste lui-même, ces lampes au design des années 1970 nous sont éminemment familières, même si chacune véhicule sa propre histoire. Leurs faisceaux lumineux feront surgir de l’obscurité des détails fantomatiques dans un climat tout à la fois intime et spectaculaire de clair-obscur.
De l’autre côté du parc, dégringolant du haut de la butte, des parapluies rouges abandonnés dans l’herbe symbolisaient un champ de coquelicots. Autour du lac, des disques d’or parsemés sur la pelouse figuraient un magnifique champ de tournesols. Voguant sur l’eau, des petits bateaux en papier éclairés par un lumignon rouge, portaient chacun le nom d’un poète, d’un artiste, d’un révolutionnaire. Le bassin tout entier s’apparentera à une immense cocarde tricolore grâce à des Starlights clignotant sous la surface de l’eau.
Chauds Les Marrons aux Buttes Chaumont et 1789-2009, 220 ans de rêves sont ces œuvres, signées Noël Dolla. Né en 1945 à Nice, sa réflexion l’a mené à concevoir pour Nuit Blanche une véritable peinture vivante dans l’espace, à l’échelle du parc des Buttes Chaumont.
Au sommet des buttes, Nathan Coley avait réactivé trois pièces monumentales qui se dressaient dans la partie boisée du parc. Chaque œuvre se compose d’un échafaudage qui délivre un message lumineux sous une forme courte et lapidaire : « THERE WILL BE NO MIRACLES HERE» (Il n’y aura pas de miracle ici), «WE MUST CULTIVATE OUR GARDEN» (Il faut cultiver notre jardin) ou «GATHERING OF STRANGERS» (Rassemblement d’étrangers). Les ampoules électriques utilisées, entre enseigne de fête foraine et enseigne de music-hall, se posaient en contradiction complète avec la nature et le ton du message.
L’édition 2009 de la Nuit Blanche à Paris est donc globalement un succès. D’affluence d’abord, avec son million et demi de visiteurs de jeunes et moins jeunes qui ont parcouru la capitale toute la nuit, samedi soir aidant. Les moyens de s’informer étaient nombreux, puisqu’en plus du site internet créé pour l’occasion, une version iPhone disponible partout était disponible. Du côté des animations les plus importantes, des hôtesses distribuaient également des livrets récapitulant, carte à l’appui, l’ensemble des animations à voir. Pratique.
Pour ceux qui n’avaient pas de voiture, la ligne 14 du métro, automatisée, est restée ouverte toute la nuit. Et pour se rendre aux Buttes Chaumont depuis le centre-ville, la ligne 11 était également en opération et gratuite. Les bus de nuit Noctilien fonctionnaient quant à eux comme d’habitude, et permettaient aux banlieusards de rentrer chez eux toutes les heures.
Foule oblige, l’euphorie de la fête engendrait par endroits certains dérapages. On repense bien sûr à l’année 2002 où lors de la première édition, le maire Bertrand Delanoë fut agressé et blessé à l’arme blanche par un déséquilibré. En 2007, un groupe de cinq personnes a également forcé une porte du musée d’Orsay avant de se livrer à des dégradations, particulièrement sur la toile Le Pont d’Argenteuil de Claude Monet. Dommage, mais il est agréable de remarquer que parmi la foule de promeneurs, certains s’intéressent réellement aux œuvres proposées.
Reportage, article et photos par Alexandre Rosa