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Catacombes de Paris – un ossuaire devenu œuvre d’art souterraine
Posté le Mardi 23 novembre 2010dans Cimetière, France, Grottes, Paris, Pays, Ruinespar Alexandre RosaImprimerSi l’on vous dit "catacombes", beaucoup penseront immédiatement à "squelette". Influencés par les films d’Indiana Jones, on s’image les explorant une torche enflammée à la main, faite avec un tibia trouvé là. Peut-être même que l’endroit est infesté de rats, parcouru de canaux d’eau putride, ou bien qu’un squelette va se réveiller pour vous poursuivre! Heureusement (ou pas), la réalité est toute autre.
Mais que font ces squelettes au milieu de tunnels souterrains? Bien sûr, on enterre les morts sous terre, mais ça n’explique pas comment les crânes d’étrangers se sont retrouvés organisés au milieu de tibias bien alignés pour former des cœurs ou des croix. Il faut savoir que les tombes individuelles n’ont pas toujours été aussi communes qu’aujourd’hui. Ce que l’on appelle "catacombes de Paris", par exemple, correspond en fait à "l’ossuaire municipal" ouvert en 1810 sur le site d’anciennes carrières du 18ème siècle.
C’est d’ailleurs souvent le cas, les catacombes n’étant finalement qu’un vaste cimetière collectif réutilisant des galeries creusées dans un tout autre but. Longues d’1,7 kilomètre et enfouies 20 mètres sous la surface du 14ème arrondissement de Paris, les catacombes de notre capitale peuvent facilement être visitées à partir de la place Denfert-Rochereau. Elles constituent d’ailleurs l’un des monuments les plus visités des touristes, et ce depuis le 19ème siècle!
A l’époque situées au sud du mur d’enceinte de la ville, baptisé Porte d’Enfer en raison de la présence de l’ossuaire en ce lieu, les catacombes ne couvrent qu’une infime partie des "carrières de Paris".
Histoire
Depuis l’époque Romaine, la ville de Paris enterre ses morts à l’extérieur de ses murs. Une pratique qui changea rapidement avec l’avènement de la chrétienté et sa tradition d’enterrer ses fidèles sur une terre consacrée souvent adjacente à une église. Au 10ème siècle, en raison de l’expansion de la ville au cours des siècles, on pouvait trouver de nombreux cimetières paroissiaux à l’intérieur des limites de la ville, même dans des lieux très centraux. Toutefois, quand la population de Paris vint à augmenter rapidement, certains de ces cimetières devinrent saturés là où ils ne pouvaient plus grandir.
Très vite, seuls les plus riches purent s’offrir des funérailles en terre consacrée, ce qui mena au 12ème siècle à l’ouverture d’un cimetière central pour les enterrements plus communs. D’abord dépendant de l’église Sainte-Opportune, ce cimetière situé près du quartier actuel des Halles fut rebaptisé Cimetière des Innocents, disposant de sa propre église et paroisse vers la fin du siècle.
La pratique habituelle d’alors était d’enterrer les moins riches en masse. Quand une fosse commune était pleine, elle était simplement recouverte et on en creusait une nouvelle. Peu de morts enterrés de cette façon avaient droit à un cercueil. Souvent, la boîte utilisée pour une cérémonie funéraire était réutilisée pour la suivante. Les résidus organiques engendrés par la décomposition des tissus humains pénétraient ainsi directement dans la terre, engendrant une situation devenue inacceptable dans une ville dont la principale source de liquide était l’eau de puits!
Des cimetières saturés
Avant la 17ème siècle, les conditions sanitaires autour du Cimetière des Innocents était insoutenables. Comme il s’agissait d’un des cimetières parisiens les plus demandés et d’une source de revenus importante pour l’église, le clergé continua à y inhumer les fidèles décédés même après que le terrain commença littéralement à "déborder". Pour faire de la place, les quatre côtés du cimetières servirent de lieu de stockage pour les ossements des morts qui avait "reposé" suffisamment longtemps dans les fosses communes pour que leur chair se soit complètement décomposée. Une fois vidée, une sépulture commune était réutilisée pour enterrer de nouveaux arrivants, mais la terre était déjà saturée de restes humains en décomposition.
Une série de décrets visant à limiter l’usage du cimetière ne remédia que peu à la situation, et ce ne fut donc qu’à la fin du 18ème siècle que l’on décida de créer trois nouveaux sites d’inhumation à la périphérie de la ville. Il s’agissait du Cimetière de Montmartre au nord, du Père Lachaise à l’est et du Cimetière de Passy à l’ouest. Plus tard, on ajouta le Cimetière du Montparnasse au sud.
Une partie de la raison pour laquelle rien ne fut fait pour enrayer les pratiques insoutenables des cimetières parisiens était le manque d’idée quant à ce que l’on ferait des morts exhumés des cimetières intra-muros de la ville. Le gouvernement avait cherché et consolidé des carrières souterraines abandonnées depuis longtemps dans et autour de la capitale depuis 1777, et ce fut enfin le Lieutement Général de Police qui gérait ces travaux, Alexandre Lenoir, qui eut l’idée d’utiliser ces tunnels vides à cet effet.
Son successeur, Thiroux de Crosne, choisi un lieu au sud de Paris, la Porte d’Enfer (aujourd’hui la place Denfert-Rochereau, donc), pour créer le premier ossuaire municipal. Dès 1786, on commença à exhumer et à transférer tous les morts des cimetières parisiens vers cette sépulture souterraine.
Le transfert des morts vers les anciennes carrières souterraines
De la veille d’une cérémonie de consécration le 7 avril de la même année, suivant une procession de prêtres, commença une parade de charrettes couvertes de noir et tirées par des chevaux qui continua à défiler plusieurs années durant. Selon un schéma supervisé par l’Inspecteur Général des Carrières, Charles-Axel Guillaumot, les ossements furent déposés dans un large puits creusé sur un terrain acquis auprès de "La maison de la Tombe Issoire", une maison située près de la rue du même nom. Ils furent ensuite distribués à travers tout le réseau de galeries souterraines par des travailleurs qui faisaient une chaîne. On déposa près de la même maison toutes sortes de croix, urnes et autres restes excavés des nécropoles parisiennes.
Dans leurs premières années, les catacombes étaient ainsi principalement un dépôt d’ossements, mais le successeur de Guillaumot, Louis-Etienne Héricart de Thury, supervisa les rénovations qui allaient transformer les galeries souterraines en vraie sépulture que l’on pourrait visiter, comme tout mausolée. A partir de 1810, en plus de réarranger les crânes et fémurs que l’on voit dans les catacombes aujourd’hui, il utilisa les pierres tombales et autres décorations funéraires qu’il pouvait trouver (beaucoup avaient disparu après la révolution française de 1789) pour compléter les murs d’ossements.
Un ossuaire devenu une œuvre d’art
Aujourd’hui, l’entrée des catacombes se trouve dans le pavillon ouest de l’ancienne Barrière d’Enfer qui fermait à l’époque cette porte de Paris. Après avoir descendu un escalier en colimaçon de 19 mètres dans l’obscurité et un silence brisé uniquement par le gargouillement d’un aqueduc invisible, et traversé un long couloir zigzaguant, le visiteur se trouve devant une sculpture qui existait avant même que cette partie des mines ne devienne un ossuaire. Il s’agit d’un modèle de la forteresse française de Port-Mahon, créé par un ancien inspecteur des carrières.
Peu après, le visiteur se trouve face à une arche de pierre marquant l’entrée de l’ossuaire en lui-même. Il est affublé de l’inscription "Arrête, c’est ici l’empire de la Mort".
Au delà se trouvent les galeries, halls et autres cavernes aux murs consciencieusement décorés d’ossements arrangés en motifs. Certains sont artistiques, comme cette forme de cœur faite en crânes incrustés dans un mur de tibias, ou ce pilier central rendu sphérique par l’adjonction d’ossements. En chemin, vous passerez devant des "monuments" créés des années avant la rénovation des catacombes, comme une fontaine d’eau de source baptisée "La Samaritaine" en raison des gravures que l’on peut y observer.
Tout le long du chemin de visite se trouvent des portails rouillés bloquant l’accès à des passages menant vers d’autres parties non visitables des catacombes. Beaucoup d’entre elles n’ont jamais été rénovées ou étaient trop difficiles à inclure dans un itinéraire de visite.
Enfin, dans une caverne visible juste avant d’accéder aux escaliers de sortie et qui mènent à un bâtiment situé rue Dareau (ancienne "rue des Catacombes") au-dessus, on peut voir un exemple de cloche de fontis. Il s’agit d’un effondrement du plafond de la galerie, ici haut de 11 mètres. On en trouve deux à la sortie des Catacombes de Paris, formant des dômes heureusement renforcés par les services d’Inspection des Carrières. Les dates peintes sur la clé de voûte de chacune de ces cloches témoignent de l’année à laquelle les travaux de réparation de ces cavernes effondrées fut effectué et indiquent si elles se sont dégradées depuis.
Notez que ces fontis furent la cause d’un mouvement de panique générale à la fin du 18ème siècle à Paris, après que plusieurs maisons et routes se soient écroulées dans des cavernes souterraines dont on ne connaissait auparavant pas l’existence.
Une source d’inspiration et lieu d’évènements historiques
Comme vous pourrez peut-être le voir, les murs des catacombes sont couverts de graffitis. Ceux-ci datent du 18ème siècle pour la plupart. Il faut dire que le réseau souterrain fut on ne peut plus vivant ces derniers temps, ayant été le théâtre de plusieurs scènes des Misérables, Victor Hugo exploitant sa connaissance poussée des lieux dans son roman. En 1871, des Communards tuèrent un groupe de monarchistes dans une chambre. Durant la Seconde Guerre Mondiale, des résistants parisiens utilisèrent le système de tunnels pour leurs actions. En parallèle, des soldats allemands avaient établi un bunker souterrain dans les catacombes sous le Lycée Montaigne.
Enfin, plus récemment, un groupe de vandales dégrada grandement le monument en septembre 2009, entraînant la fermeture immédiate du lieu aux visiteurs. Les catacombes de Paris rouvrirent finalement leurs portes en décembre de l’année dernière pour le plus grand plaisir des touristes.
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Article et photos par Alexandre Rosa
En voyant ces photos, on peut imaginer l’ambiance très spéciale qui doit régner lors de ces visites.
Ce qui m’impressionne beaucoup, ce sont ces longs murs faits de tibias et de crânes bien alignés.
Bon article de synthèse sur l’ossuaire municipal de Denfert-Rochereau (dénommé par abus de langage Catacombes), malgré quelques légères approximations et les confusions qui sont habituelles entre Catacombes (= cet Ossuaire) et catacombes (= anciennes carrières souterraines ce la Ville de Paris).
Photos agréables !
Très belles photos . Cet article m’a fait découvrir d’une manière concise une partie de l’histoire de Paris.