Les Aiguilles de Port-Coton à Belle-Île en Mer : le trésor de Claude Monet
Gravures rupestres d’Alta–des rennes de l’âge de pierre gravés le long des fjords
Storforsen – les plus grandes cataractes naturelles d’Europe traversent la Laponie
Cathédrale Luthérienne d’Helsinki – une icône allemande sur l’ancienne terre des tsars
Norske Opera – le renouveau de la banlieue d’Oslo en lignes obliques
Le Monastère d’Horezu, chef-d’œuvre de l’art Branconvan en Valachie
Le château de Dracula au cœur des Carpates : la citadelle de Poenari
Falaises de Moher – quand l’Irlande plonge de 214 mètres dans l’Atlantique
Château de Balmoral – la résidence écossaise de la Reine Victoria et du Prince Albert
Panthéon de Rome – le plus grand dôme de l’Antiquité, tombeau des grands Hommes
Bastion des Pêcheurs – un rempart « moderne » sur les hauteurs de Budapest
Statue de la Liberté de l’île des cygnes à Paris – une maquette signée Bartholdi
Bryggen – les demeures en bois colorées de la Ligue Hanséatique à Bergen
La Pointe du Raz – une proue de granite à l’extrême ouest de la France
Arènes de Lutèce : un amphithéâtre gallo-romain au cœur de la capitale
Chinagora – un complexe touristique sous forme de Cité Interdite fantôme à deux pas de Paris
De la Bavière à la Provence : des santons à la basilique de Fourvière pour sa crèche de Noël géante
Marché Médiéval de Noël à Provins – Rois Mages et troubadours animent banquet et bal d’époque
Teotihuacan, la Cité des Dieux des Aztèques au Musée du Quai Branly
Posté le Mercredi 07 octobre 2009dans Art, Histoire, Mexique, Muséespar Alexandre RosaImprimerTeotihuacan est la plus grande cité de l’Amérique précolombienne à l’Époque classique. Située à quelques 40 kilomètres au nord-est de l’actuelle Mexico, la ville est perchée à 2275 mètres d’altitude. Ses 20 kilomètres carrés ont accueilli quelque 100.000 habitants pendant plusieurs siècles, et encore aujourd’hui les ruines de la cité constituent l’un des sites touristiques les plus visités du Mexique, et ce depuis le 19ème siècle.
Pour la première fois en Europe, le Musée du Quai Branly accueille depuis ce mardi 6 octobre 2009 et jusqu’au 24 janvier 2010 une exposition exceptionnelle sur celle que les aztèques appelaient la Cité des Dieux. L’évènement rassemble 450 pièces, dont 95% proviennent de collections mexicaines, le reste ayant été prêté par des musées européens.
Conçue par le Consejo Nacional para la Cultura y las Artes et l’Instituto Nacional de Antropologia e Historia (INAH) de Mexico, l’exposition est coproduite par le Musée du Quai Branly, le Museum Rietberg de Zurich où elle partira en 2010 et le Martin Gropius Bau de Berlin où elle sera enfin présentée en 2011. Elle est le fruit de recherches menées activement par l’INAH au cours des 25 dernières années. Ces dernières ont abouti à des découvertes majeures et permis de mieux connaître cette ancienne culture dont l’affluence, à son apogée, s’étendait à la plus grande partie de la Mésoamérique.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas, ce terme est employé en archéologie précolombienne pour désigner la partie du continent américain que connaissaient les Aztèques au moment de l’arrivée des Espagnols en 1519.
Grande cité de l’ancien Mexique fondée au premier siècle avant J.C., Teotihuacan a connu une incomparable vitalité culturelle et artistique jusqu’au 7ème siècle de notre ère. Lorsque les aztèques l’ont découverte abandonnée depuis 600 ans, ils l’ont surnommée “là où les hommes devenaient des dieux”, impressionnés par son ampleur et sa beauté. On ignore en fait par quel nom les habitants de la cité la désignaient. Teotihuacan (Teōtīhuahcān) étant donc un toponyme d’origine nahuatl datant de plusieurs siècles après sa chute.
La ville s’était développée jusqu’à devenir un pôle économique et culturel majeur de l’Ancien Mexique. Le rayonnement et la puissance de Teotihuacan transparaissaient clairement à travers son architecture monumentale : les bâtiments sont érigés autour d’un axe central et selon des critères astronomiques bien précis.
Les vestiges de Teotihuacan témoignent de son prodigieux développement territorial et démographique, ainsi que de sa vie politique, culturelle et artistique en constante évolution jusqu’au 7ème siècle, et permettent de distinguer cinq grandes périodes, du grand village à la gigantesque cité qui rayonnait sur tout le continent mexicain. Cependant, les raisons de son déclin et de sa chute sont toujours inexpliqués. Famine? Incendie? Révoltes? Invasions? Les hypothèses sont nombreuses.
Grâce aux fouilles récentes qui ont permis d’approfondir et de modifier la vision des scientifiques sur l’empire de Teotihuacan, il a été mis en évidence que le militarisme, l’offrande de prisonniers ou la sacrifice de victimes, notamment lors de cérémonies de commémoration d’un agrandissement des édifices rituels, étaient les fondements de cette civilisation unique, encore peu connue il y a quelques années. La religion, pilier de la culture mésoaméricain, occupait également une place primordiale dans la vie de ses habitants, d’où le gigantisme des sculptures qui ornent les murs de ses fameuses pyramides.
Teotihuacan était également une plateforme d’échanges multiculturels. Des fouilles archéologiques ont montré que la ville était divisée en quartiers distincts pour les Zapotèques, les Mixtèques ou les Mayas. De plus, des objets de différentes époques et lieux ont été découverts dans la cité, affirmant son extraordinaire vitalité et la présence de populations étrangères.
Les objets exposés en ce moment au Musée du Quai Branly mettent à l’honneur le mystère qui entoure toujours cette cité mythique du Mexique. Des sculptures colossales et architecturales, peintures murales, masques rituels, statuettes-offrandes, bijoux et céramiques témoignent de la puissance de l’expression artistique de Teotihuacan. Pour compléter le tout, l’exposition s’achève avec des objets trouvés hors du site, qui témoignent également du rayonnement de Teotihuacan en Mésoamérique durant son apogée, de 250 à 550 après J.C.
Contrairement à Tarzan ou Rousseau chez les Waziri, la dernière exposition temporaire du Musée du Quai Branly qui a récemment fermé ses portes, Teotihuacan n’est pas présentée dans les galeries suspendues au-dessus des jardins qui entourent le musée mais dans sa partie centrale, dans un espace circulaire remarquablement bien aménagé pour l’occasion.
L’exposition est divisée en 8 sections qui, conformément à la tradition mexicaine, débute par la présentation d’une des pièces les plus significatives, en l’occurence une sculpture architecturale de plus de 2 mètres en forme de “jaguar sacré”. Récemment découverte au Palais Xalla, cette dernière est très caractéristique de l’art de Teotihuacan.
En guise d’introduction, un film et une immense maquette de 10 mètres sur 5 permettent au visiteur de se représenter la topologie du site tel qu’on le découvre aujourd’hui, mais surtout d’en comprendre son organisation spatiale. Un panneau nous renvoie également à l’origine du nom Teotihuacan, qui fait référence au mythe du Cinquième Soleil. Cet extraordinaire récit décrit l’état de l’univers après la destruction de la Quatrième Ere. L’obscurité s’est alors répandue sur terre et les dieux, inquiets, se réunirent pour désigner qui éclairement le monde. Ils y convièrent Tecuciztécatl et Nanahuatzin, invités à se transformer en astre roi de la Nouvelle Ere.
Tecuciztécatl, parvenu devant le brasier allumé par les dieux, hésita à s’y jeter, pour devenir Soleil. Devant un tel déshonneur, les dieux ordonnèrent à Nanahuatzin de s’y lancer. Ce dernier, s’exécutant, se transforma donc en Cinquième Soleil. Jaloux, son compagnon se jeta à sa suite et se transforma également aussitôt en second disque de feu. Mais l’un des dieux lui lança un lapin au visage, éteignant ainsi la lumière et anéantissant la chaleur. Après plusieurs péripéties, Nanahuatzin et Tecuciztécatl commencèrent leur parcours quotidien dans le firmament : d’abord le Soleil puis la Lune, constituant ainsi les éléments astraux majeurs de la cinquième création. Teotihuacan fut le théâtre de cette histoire.
La deuxième section de l’exposition est consacrée à la vie de la cité de Teotihuacan, mise en correspondance avec les grands évènements d’Europe et d’Asie. Elle présente les grandes phases de son développement, de la fondation de la cité à son déclin et sa chute, encore inexpliquée aujourd’hui.
Une quinzaine d’objets aux formes et dimensions extraordinaires donnent au public l’occasion de découvrir l’expression artistique de la cité. Dès le 2ème siècle, le peuple de Teotihuacan a décoré certains de ses édifices principaux d’impressionnantes sculptures architecturales. L’exemple le plus frappant est celui de la Pyramide du Serpent à Plumes, dont sont présentés plusieurs fragments et éléments.
L’exposition informe également les visiteurs sur la tradition des décorations des différentes constructions, en montrant les pièces les plus étonnantes (accompagnées d’un programme multimédia), mais aussi sur les techniques de fabrication de ces fresques. Cette section de l’exposition est remarquable par sa sélection prestigieuse de peintures murales ainsi que par la quinzaine de fragments présentés, allant du naturalisme à l’abstraction géométrique.
Les récentes fouilles dans la Pyramide du Serpent à Plumes et dans la Pyramide de la Lune ont permis de mieux comprendre l’organisation sociale de la cité. Les objets issus de ces découvertes, extrêmement délicats et présentés pour la première fois en Europe, ainsi qu’une sélection de la collection du peintre Diego Rivera, témoignent de son militarisme et de sa dimension guerrière.
Les aspects religieux et cosmogoniques étaient prépondérants dans la cité de Teotihuacan. Des pièces extraordinaires, issues de différents types de sépultures, présentes, entre autre, le dieu de la mort, Quetzalcoatl, Tlaloc (Dieu de l’eau) et Xipe-Totec (que l’on retrouve dans le panthéon aztèque). Les masques, les encensoirs et les peintures murales complètement ce panthéon et illustrent tant les rituels réalisés par les habitants de Teotihuacan que leur conception du monde et l’univers.
L’organisation spatiale de Teotihuacan révèle sa nature profondément urbaine. L’exposition présente certains éléments architecturaux et de luxueux objets issus des palais, mais aussi des objets du quotidien tels que des meules, céramiques ou figurines, représentatifs de la vie des paysans et des basses classes sociales. Elle présente également une section de pièces du “trésor du siècle” : statuettes, offrandes aux divinités, retrouvées avec leurs couleurs d’origine, et exposées elles aussi pour la première fois en Europe.
Par ailleurs, les œuvres remarquables de l’artisanat de Teotihuacan témoignent des techniques très élaborées et sophistiquées, révélées dans la variété des matériaux : peintures murales, céramique, art lapidaire et art lithique, dont l’exemple le plus important de masques de Teotihuacan jamais rassemblé.
Les objets présentés dans la dernière section de l’exposition attestent très clairement de l’existence d’échanges, dans les domaines économique, politique, religieux et militaire, entre la cité de Teotihuacan et les autres régions du Mexique (monde Maya, ouest du Mexique, Oaxaca et côte du Golfe). Ils témoignent de la puissance de la cité entre 250 et 550 après J.C., si prospère que les Aztèques conservaient et offraient des objets issus des ruines de Teotihuacan des siècles après sa chute.
Une exposition évènementielle donc, à ne pas manquer si vous aimez un tant soit peu l’archéologie, d’autant plus que les objets sont remarquablement mis en valeur au Musée du Quai Branly avec une scénographie et une mise en lumière moderniste de très bonne facture. Le commissaire de l’exposition, Felipe Solis Olguin, était archéologue et directeur du Musée National d’Anthropologie de Mexico. Il a été co-commissaire de l’exposition Aztecs à l’Académie Royale de Londres en 2003. C’était l’un des meilleurs spécialistes au monde de l’art et de la culture aztèques et du Mexique ancien. Il a disparu le 23 avril dernier et cette exposition lui est dédiée.
Reportage par Alexandre Rosa et Stéphane Hacquin